"Tout est gratuit, ce jardin , cette ville, et moi-même. Quand il arrive qu'on s'en rende compte ça vous tourne le coeur et tout se met à flotter : voilà la nausée"
En relisant cette phrase , j'ai vraiment à nouveau ressenti la nausée .Douloureuse évidence, elle est "vraie" . Mais son message m'effraie . A-t-on le droit de tout dire même au nom de la vérité ? Peut-on dire à ses amis , à ceux qu'on aime , dont on voudrait le bonheur, qu'ils ne sont rien, que leur existence est absurde , insensée ? Que tout n'est qu'illusion , qu' attachement est souffrance .... mais ne souffre-t-on pas davantage d'être dans la solitude sans attachement ?
Que peut-on proposer comme raison de vivre en face d'une telle évidence ,jouir des menus plaisirs éphémères et superficiels, renoncer et se contenter de végéter...
Je ne me sens pas le droit de défendre cette "vérité" . Même si j'en ai moi-même fait douloureusement l'expérience je préfère soutenir la contre-vérité . Ils ne peuvent être rien puisque nous les aimons , c'est cet amour qui légitime leur existence tout comme l'amour qu'ils porteront aux autres .
Je tairais que cet amour n'est pas gratuit , qu'il fait souffrir autant qu'il réjouit , qu'il peut se résumer dans la volonté de puissance, la pulsion vitale , ou dans l'intérêt social . Peu importe puisqu'il permet de vivre .
Et la nausée doit rester une expérience que chacun peut faire librement à son tour comme Antoine Roquentin , contemplant si je ne me trompe, l'auréole laissée par son verre de bière sur la table du café où ses pas l'ont conduit.
Fussli :le silence |